La Vallée de Masevaux

La Vallée de Masevaux

Situation géographique

La vallée de Masevaux est située en Alsace, à l’extrême sud-est du massif des Vosges. Elle s’étend des hauteurs du Ballon d’Alsace (1247 m) jusqu’à la plaine, où l’autoroute A36 marque sa séparation d’avec le Sundgau. Elle comprend également dans son bassin de vie les deux vallons latéraux du Bourbach et du Soultzbach.

La vallée est traversée par la rivière Doller, qui prend sa source au-dessus du village de Dolleren, à 922 m d’altitude. Ce cours d’eau possède de nombreux affluents qui viennent le grossir tout au long de sa descente dans la vallée, où il traverse une dizaine de communes, dont le bourg centre de Masevaux-Niederbruck.

La Doller alimente le plan d’eau de Michelbach, réservoir en eau de la région de Mulhouse. C’est un affluent de l’Ill et donc un sous-affluent du Rhin.

Le peuplement

L’origine du peuplement de la vallée de la Doller reste obscure. Même si certains auteurs attribuent des origines celtiques à l’un ou l’autre toponyme, il semble que ce territoire n’ait été que tardivement colonisé par l’homme. En effet, nulle trace ici d’habitat préhistorique, ni même antique. De rares trouvailles archéologiques plaident plutôt pour des incursions ponctuelles, peut-être déjà au néolithique. Une voie romaine est attestée à l’entrée de la vallée, mais elle ne fait que la traverser perpendiculairement, selon un axe allant de Soppe-le-Haut à Guewenheim.

La colonisation de ce territoire date probablement du début du Moyen Âge, en lien avec la pression migratoire exercée par les peuplades germaniques à la fin de l’empire romain. Une légende fait remonter au Ve siècle de notre ère la formation du village de Sewen, par un groupe de chrétiens en fuite. Une autre légende situe au VIIIe siècle la fondation à Masevaux d’une abbaye par un dignitaire franc dénommé Maso, suite à la noyade de son fils dans les eaux de la Doller.

L'abbaye de Masevaux

Ce monastère de femmes, dédié à saint Léger, est doté de très vastes possessions. Outre la totalité de la vallée de Masevaux jusqu’à Guewenheim, l’abbaye possède des terres et droits dans une vingtaine de villages du Sundgau. Elle exerce l’autorité religieuse sur l’ensemble de son territoire, mais y détient aussi le pouvoir temporel. Pour cela elle s’appuie sur le bras armé de ses avoués, les premiers connus étant les comtes de Ferrette. Au fil des siècles, ces avoués s’attribuent des droits seigneuriaux sur la vallée de Masevaux, au détriment de l’abbaye. En 1324, par le mariage de Jeanne de Ferrette avec Albert II de Habsbourg, la terre de Masevaux entre dans les possessions de la maison d’Autriche.

L’abbaye doit aussi lutter contre les prétentions d’une autre autorité qui émerge au milieu du Moyen Âge : celle de la ville de Masevaux. La petite cité parvient en 1368 au statut de ville fortifiée, avec droit de jouissance du fossé et aussi celui de lever certains impôts. La ville, administrée par un conseil, exerce aussi le droit de justice et de maintien de l’ordre sur son territoire.

La Révolution et l'industrialisation

L’abbaye de Masevaux disparaît dans le tourbillon de la Révolution. Les chanoinesses sont chassées et dispersées. La dernière abbesse, Xavière de Ferrette, mourra en exil à Fribourg-en-Brisgau en 1826. Les biens mobiliers et immobiliers du chapitre sont mis en vente en 1798, au profit de grandes familles industrielles qui implantent des fabriques dans les annexes et jardins de l’ancienne abbaye.

L’industrie textile se développe fortement dans la vallée tout au long du XIXe siècle. Elle supplante l’industrie minière et métallurgique qui avait été très active dans la haute vallée au Moyen Age. Vers 1850, pratiquement chaque village possède sa propre usine textile, d’abord alimentée par la force motrice de la Doller, puis par le charbon.

Ce développement économique s’accompagne d’une forte croissance démographique qui fait augmenter la surface bâtie et conduit les communautés villageoises à bâtir ou rebâtir de nouvelles églises.

Ballotée entre la France et l'Allemagne

Si la vallée de la Doller est épargnée par les combats lors de la guerre de 1870,  elle subi cependant les lourdes conséquences qui affectent l’ensemble du territoire alsacien. En effet, dans le cadre du traité de Francfort, la région est purement et simplement rattachée à l’Allemagne, malgré la protestation unanime des députés alsaciens qui dénoncent cet abandon de la France.

Plusieurs familles décident de quitter la vallée et de s’installer dans ce que l’on nommera plus tard la Vieille France. Mais la majorité de la population doit se résoudre à changer de nationalité et d’administration. Une nouvelle frontière est tracée entre l’empire allemand et la France. Matérialisée par des bornes frappées des lettres D et F, elle longe la vallée de la Doller dans sa partie sud-ouest puis passe au sommet du Ballon d’Alsace et s’étend ensuite vers le nord le long de la ligne de crête des Vosges.

La période du Reichsland est marquée par de grandes réalisations techniques, notamment l’implantation du chemin de fer et la construction du barrage du lac d’Alfeld.

Lors de la Première Guerre, la vallée est reprise par l’armée française dès 1914. Le front se stabilise entre les deux villages de Burnhaupt qui subissent des destructions très importantes et sont évacués. Masevaux devient le siège de l’administration de “l’Alsace reconquise”. La ville accueille de nombreuses cérémonies patriotiques et reçoit des visites régulières de la part des plus hautes personnalités militaires et civiles. Pendant les quatre années du conflit, le territoire fait l’objet d’une campagne de refrancisation de la population, qui sera étendue à toute l’Alsace après 1918.

En 1940, après la défaite des armées françaises face à l’avancée de la Wehrmacht, l’Alsace est à nouveau annexée à l’Allemagne et l’ancienne frontière de 1871 est rétablie. Près d’un millier de jeunes gens de la vallée de Masevaux sont incorporés de force dans l’armée allemande et envoyés sur les différents fronts ouverts par le IIIe Reich, notamment ceux de l’est.

Plus de 350 de ces Malgré-nous n’ont jamais revu les rives de la Doller.